En signant l’Accord de Paris en décembre 2015, l’Union Européenne s’est engagée, au nom de ses membres, à limiter le réchauffement climatique.
Ce faisant, une évidence s’est rapidement imposée : celle de devoir orienter les investissements vers des activités permettant la transition effective vers une économie bas-carbone.
Dans cette optique, la Commission européenne communiquait en mars 2018 son plan d’action pour financer la croissance durable. Avec, au cœur de ce plan, la taxonomie européenne, ou taxonomie verte : un outil permettant la définition et l’identification précise des activités économiques pouvant être considérées comme « durables ».
En adoptant le Pacte Vert Européen (“Green Deal”) en 2019, l’Europe s’est fixé de nouveaux objectifs, dont celui d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Des ambitions nécessitant de revoir les niveaux d’investissements à la hausse : “au moins 1000 Mds d’Euros” pour financer le pacte sur la prochaine décennie. Le budget de l’Union en financerait plus de la moitié, entraînant dans son sillage d’autres fonds, notamment privés.
L’orientation des flux financiers, publics comme privés, vers les activités “durables” s’avère donc plus que jamais indispensable. Et pour les flécher dans la bonne direction, la taxonomie devient un référentiel incontournable.
C’est pourquoi nous vous proposons de la décrypter ici, avec un point spécifique sur sa déclinaison dans le champ immobilier.
Vous retrouverez, détaillés dans cet article :
– Le plan d’action européen pour financer la croissance durable
– La taxonomie européenne dans les grandes lignes
– Le “Règlement Taxonomie” et ses actes délégués
– Taxonomie européenne : qui est concerné ?
– Quelles activités font partie de la taxonomie européenne ?
– Taxonomie européenne et immobilier
Le plan d’action européen pour financer la croissance durable
L’objectif du plan est de donner un nouveau cadre financier à l’Europe, qui favorise une économie plus responsable et soutenable. C’est à dire un économie alignée avec :
- les objectifs climatiques internationaux tels que définis de l’Accord de Paris en 2015 (principalement la limitation du réchauffement terrestre à moins de 1,5°C en 2100 par rapport aux niveaux préindustriels),
- les objectifs climatiques et environnementaux dictés par le pacte vert européen.
Ce plan d’action s’appuie sur 3 outils, qui doivent aider les investisseurs à orienter leurs fonds vers les activités durables :
- La taxonomie (dite taxonomie européenne ou taxonomie verte) : une classification des activités économiques ayant un impact positif sur les grands enjeux climatiques et environnementaux. Dit autrement, une liste d’activités considérées comme “durables”, incluant les critères techniques permettant de les évaluer comme telles.
- Le standard européen pour les obligations financières vertes (EGBS, European Green Bonds Standards) : un standard pour l’émission de titres financiers, type obligations vertes, émis par les entreprises, alignés avec la taxonomie et garantissant un haut degré de transparence (rapport d’allocation de fonds, rapport d’impact et vérification de conformité au cadre d’émission). Objectif affiché : lutter contre le greenwashing.
- Le “Paris-Aligned Benchmark” (EU PAB) et le “Climate Transition Benchmark” (EU CTB). Deux indices de référence destinés aux marchés financiers, intégrant, sur la base des travaux du GIEC :
- des objectifs de transition vers une économie à faible émissions de carbone (décarbonation continue de 7% par an)
- et des objectifs chiffrés de réduction de GES à terme.
Le PAB est le plus ambitieux des 2 indices, avec :
- des seuils de réduction à atteindre à terme plus élevés que le CTB (50% vs 30%)
- des exclusions de tout ou partie de certains secteurs (tabac, armes, énergies fossiles…).
Notre article se concentre sur la taxonomie elle-même, socle de la stratégie européenne pour une finance durable.
La taxonomie européenne dans les grandes lignes
La taxonomie européenne propose un système de classification unique et transparent, permettant d’identifier les activités économiques “durables”.
Elle instaure un cadre et des principes d’évaluation, pour des activités ayant un impact sur :
- l’atténuation du changement climatique,
- l’adaptation au changement climatique,
- l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines,
- la transition vers une économie circulaire,
- la prévention et la réduction de la pollution,
- la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes,
Ainsi, une activité sera considérée comme “durable” si elle contribue substantiellement à l’un des ces six objectifs, sans causer de préjudice important à l’un des cinq autres.
Elle devra également respecter des critères sociaux alignés sur les critères directeurs de l’OCDE et des Nations Unies, relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.
La taxonomie établit des standards d’évaluation et des seuils précis pour définir ce qu’est une activité durable. Produisant un référentiel commun, elle permet à tous les acteurs économiques et politiques de parler le même langage, et notamment :
- pour les investisseurs, de construire des portefeuilles durables,
- pour les acteurs publics, de vérifier que les fonds alloués à la protection du climat (37% du plan de relance européen) seront bien injectés dans des activités permettant d’enclencher la “transition verte européenne”
- et de manière générale, d’éviter les rapports et discours entachés d’écoblanchiment.
Le « règlement taxonomie » et ses actes délégués
Le “règlement taxonomie sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables” a été voté par le législateur européen en juin 2020. Il est entré en vigueur le 12 juillet 2020, et ne nécessite pas de transposition dans les lois nationales.
Des “actes délégués” (équivalents aux “décrets d’application” en droit français) précisent la mise en œuvre de la taxonomie.
L’acte délégué d’avril 2021, par exemple, concerne l’évaluation des activités pouvant répondre aux enjeux d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Le secteur du bâtiment en fait partie.
Le texte officiel est disponible ici (Cf. notamment chapitres 7.1, 7.2, 7.3 et 7.7 pour les activités immobilières, la construction et la rénovation). Cet acte délégué s’appliquera à compter du 1er janvier 2022.
D’autres actes délégués suivront, permettant notamment l’évaluation d’activités ayant un impact sur les 4 autres enjeux environnementaux. Leur entrée en vigueur est prévue avant la fin 2022.
Taxonomie européenne : qui est concerné ?
Nous l’avons vu, l’objectif de la taxonomie est de flécher les investissements vers des produits financiers, projets et activités “durables”. Pour les investisseurs privés, la taxonomie constitue à ce jour plus une boussole qu’une obligation.
Notons cependant que l’article 8 du Règlement Taxonomie s’impose aux entreprises déjà assujetties aux reportings extra-financiers dans le cadre de la Non-Financial Reporting Directive (NFRD). Pour mémoire, il s’agit des entités d’intérêt public de plus de 500 salariés émettrices de titres – soit environ 11 000 entités en Europe. Ces entités devront notamment publier :
- la part de leur chiffre d’affaires provenant de produits/services associés à des activités considérées comme “durables”
- la part de leurs dépenses d’investissement (CapEx) et de leurs dépenses d’exploitation (OpEx) liée à des actifs/processus associés à des activités économiques considérées comme “durables”
Les sociétés financières devront également publier ces éléments appliqués à :
- leurs encours (sociétés d’investissement),
- leur bilan (établissements de crédit),
- ou portefeuille de souscription (compagnies d’assurance).
Bon à savoir : Le dernier acte délégué propose d’élargir le champ des entités assujetties à toutes les entités d’intérêt public et PME cotées. Le NFRD deviendrait CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et porterait à 50 000 le nombre d’entreprises assujetties.
Enfin, les produits financiers couverts par le SFRD (Sustainable Finance Disclosure Regulation), feront l’objet d’un reporting spécifique, dépendant de l’article duquel ils relèvent (6, 8 ou 9).
Quelles activités font partie de la taxonomie européenne ?
Toutes les activités n’ont pas vocation à faire partie de la taxonomie verte. Rappelons que le but de ce référentiel est de flécher les investissements vers celles qui ont un impact climatique et/ou environnemental positif. C’est à dire, celles qui répondent à au moins 1 des 6 objectifs environnementaux énoncés plus haut.
Concernant l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, la taxonomie a déjà évalué 88 activités appartenant aux secteurs les plus émetteurs (dont celui du bâtiment). Ces activités se répartissent en 3 catégories :
- En premier lieu, les activités “durables”. C’est-à-dire, les activités neutres ou bas carbone, qui respectent les seuils définis dans la taxonomie.
- Ensuite, les activités “transitoires”, pour lesquelles il n’existe pas encore d’alternative bas-carbone économiquement ou technologiquement viable, mais qui peuvent contribuer à la transition vers une économie “zéro émissions nettes en 2050”. A aujourd’hui, la taxonomie identifie 21 activités transitoires. La rénovation des bâtiments en fait partie.
- Enfin, les activités “habilitantes”, qui permettent à d’autres activités qu’elles-mêmes de contribuer à l’atteinte d’un des six objectifs environnementaux (par exemple, une entreprise spécialisée dans la géo-énergie). En l’état actuel, la taxonomie désigne 24 activités habilitantes.
Taxonomie européenne et immobilier
L’acte délégué relatif au changement climatique adopté en avril 2021 est applicable depuis le 1er janvier 2022. Il précise notamment les critères d’examen technique pour 4 activités relevant du secteur immobilier :
- la construction de nouveaux bâtiments,
- la rénovation de bâtiments existants,
- les mesures de rénovation individuelles
- et l’acquisition et la propriété de bâtiments.
Ainsi, l’acte définit comme “durable”:
- une construction postérieure au 1er janvier 2021, présentant une demande en énergie primaire inférieure d’au moins 10% au seuil imposé par la réglementation en vigueur (RT 2012 puis RE 2020 dès qu’applicable),
- un bâtiment rénové pouvant présenter une performance énergétique (exprimée en énergie primaire) améliorée de 30%
- un bâtiment en exploitation, construit avant 2021, en conformité avec le décret BACS, et pouvant présenter :
- un Diagnostique de Performance Énergétique (DPE) de classe A, exprimé en énergie primaire.
- ou à défaut, faisant partie des 15 % du parc immobilier national ou régional les plus performants en matière de consommation d’énergie primaire.
Ainsi, en plus de la notation du DPE (Diagnostic de Performance Énergétique) et de celle obtenue dans le cadre du dispositif Eco Energie Tertiaire (aussi appelé le Décret Tertiaire), les bâtiments tertiaires français disposeront, à partir de 2022, d’une troisième notation “verte” réglementaire. Gageons que ceci participera à mieux distinguer les bâtiments verts des autres.
Au-delà des débats légitimes qui entourent la définition de ce que doit être un actif immobilier “vert”, une certitude s’impose : la bonne trajectoire est celle de la sobriété.
Moins un bâtiment consomme et plus il est vert(ueux).
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